La désillusion d’une fée

La désillusion d’une fée

05 Septembre 2021

Il est 04h37, je suis allongée dans mon lit avec mon mari et ma fille entre nous.
Impossible de me rendormir, mon esprit commence à divaguer et ça me revient…

Il y a 2 jours, une amie m’a dit que sa fille s’était faite violer. Elle a 18 ans.

Et je pense à elle, je pense à mes filles, à mon fils, à moi.
Je pense à moi et à ces moments où mon « non » n’a pas été entendu, pas respecté. Ces instants où ce « non » a été forcé. Ces fois où je n’ai pas eu l’occasion de dire non puisqu’on ne m’a pas demandé la permission.

Je pense à cette fois, je dois avoir 13 ans, où un garçon me maintient au sol et me frotte les mains par terre jusqu’à ce que mes phalanges saignent parce que j’ai dis non.

Je pense à cette fois où, alors que je suis enceinte, la sage-femme met ses doigts dans mon vagin. Elle se plaint alors que par ma faute elle ne parvient pas à atteindre le col. Elle force, elle appuie, je lui dis qu’elle me fait mal, elle continue et me gronde comme une gamine.

Je pense à cette fois, j’ai mon bébé dans les bras, une interne vient me voir avant mon départ. Elle tâte mon ventre et d’un coup, sans prévenir, me fait un touché vaginal. Elle doit avoir mon âge, ne me regarde pas dans les yeux, pour elle c’est normal de mettre les doigts dans le vagin d’une femme sans la prévenir.

Le point commun de ces 3 expériences?

Le consentement.

On voit de plus en plus d’infographies sur les réseaux sociaux où il est question du consentement de l’enfant. On invite les parents à faire attention à ce que leur enfant ne se sente pas forcé d’embrasser tata Josette afin que ce principe de consentement soit établi. Lorsqu’on s’intéresse aux neurosciences et aux apprentissages, on sait qu’une grande partie des apprentissages des enfants se font par imitation. Alors ne faudrait-il pas aussi informer tous les êtres humains de leur droit à dire non ? Accompagner tous les êtres humains à accepter un non qui ne va pas dans le sens qu’ils souhaiteraient?

J’aimerais voir des infographies montrant un couple au lit et un des partenaires demandant à l’autre si il est ok pour tel ou tel geste! Des infographies sur le fait que le devoir conjugal n’existe pas. J’aimerais voir partout qu’on a aussi le droit de refuser une pénétration de la part de son compagnon, de son gynécologue, de sa sage-femme, de son médecin traitant, du voisin d’en bas… Notre sexe, notre vulve n’est pas un territoire neutre où chacun peut aller et venir à sa guise. C’est notre corps, notre précieuse enveloppe, notre droit fondamental de refuser. Et si c’est non, c’est non. Pas de culpabilité, le/la partenaire s’en remettra, le gynécologue et la sage-femme aussi.

Je le sais, c’est mon accouchement à domicile qui a tout changé.

Parce que ce jour-là j’ai compris. J’ai compris la violence inutile vécue alors que la naissance peut être si douce et respectueuse.
On peut ne pas subir de touchers vaginaux, on peut ne pas être un bout de viande, on peut en ressortir fière et plus puissante que jamais, on peut ne pas se coucher sur le dos, devant personne, jamais. La position dite gynécologique est la plus inconfortable et douloureuse pour donner naissance. Pourquoi faire s’allonger toutes les femmes? Devant qui décidons-nous de nous allonger? Avez-vous vraiment eu envie de vous allonger quand bébé arrivait? Si oui, parfait. Si non, pourquoi l’avoir fait? Parce que la sage-femme l’a dit? Les femmes n’ont pas à combler le manque de formation des sages-femmes sur l’enfantement physiologique par leur docilité et leur soumission. Forcer quelqu’un à se mettre dans une position non-consentie et à lui toucher le sexe, vous appelez ça comment vous?

La surmédicalisation du corps des femmes va de pair avec le postulat d’un incompétence innée.

Nous, personnes avec un utérus, ne sommes pas en capacité de nous occuper de nous. Prendre soin de nous-mêmes et savoir quand nous avons besoin d’aide est bien trop compliqué. Nous sommes en danger avec cet utérus, ces hormones qui nous transforment en furie, ce sang qui coule tous les mois et que l’on doit cacher tellement il est dégoûtant, ces bébés que l’on ne sait pas mettre au monde, cette fertilité que l’on ne sait pas gérer…

Je me souviens de mon étonnement le jour où la sage-femme m’a proposée d’insérer moi-même le speculum. Ah oui je peux faire ça? Pourquoi on ne me l’a pas dit avant…?

Nous sortons tous d’un utérus humain. Certains par une vulve d’autres par une incision dans l’abdomen mais nous sortons tous d’un utérus humain. Pourrions-nous avoir du respect pour ça et même de la révérence envers ce corps qui porte l’humanité de demain.
Arrêter de le violer, de le forcer, de le menacer, de le juger.
Et nous, femmes, filles, personnes avec un utérus, si on arrêtait de croire en cette incompétence. Croire que c’est normal que les gynécologues se permettent des touchers vaginaux inutiles, des remarques désobligeantes, des présences en salle de naissance pour justifier les dépassements d’honoraires de la maternité, de prédire des explosions d’utérus…

Non ce n’est pas normal, ce n’est pas juste et c’est même dangereux.

Je ne me serais jamais imaginé être aussi radicale avant de constater que je n’étais pas seule à avoir vécu des expériences désagréables, violentes, infantilisantes…

Les femmes avec lesquelles je travaille sont blessées dans leur chair, (auto) mutilées, violées… elles ont décidé de faire de leur vulve, de leur vagin, un temple sacré qui ne laisse entrer que ceux qui sont les bienvenus, elles ne veulent pas enfanter au milieu de professionnels inconnus mais dans un cadre rassurant avec une ou des présences familière(s), elles veulent le respect, la bienveillance, elles disent stop à l’infantilisation et prennent leurs responsabilités.

Bref, une femme a été violée, c’est une fille, une sœur, peut-être une future mère. C’est une question de consentement, de société, de sexualité, de vulve, de vagin, de respect, d’acceptation, c’est violent, dégoûtant, injuste, infâme.

Je pense à vous, à nous, à elles…

En continuant à utiliser le site, vous acceptez l’utilisation des cookies. Plus d’informations

Les paramètres des cookies sur ce site sont définis sur « accepter les cookies » pour vous offrir la meilleure expérience de navigation possible. Si vous continuez à utiliser ce site sans changer vos paramètres de cookies ou si vous cliquez sur "Accepter" ci-dessous, vous consentez à cela.

Fermer